Alternative Hall of Fame 2017
Qu'est-ce qu'un "Hall of Fame" et à quoi sert-il ?
Littérallement "temple de la renommée", c'est une institution (ici, administrée immatériellement) qui consiste à honorer des individus ayant réalisé des choses majeures dans leurs domaines respectifs, ici le catch (ou "pro-wrestling") en général. Il permet de constater et de féliciter les contributions et l'influence d'un individu sur le milieu où il a fait carrière. Avec lui, les réputations deviennent légitimes et les légendes plus crédibles.
Comme chaque été sur The Alt, il est temps d'ouvrir une nouvelle aile annuelle à notre "temple de la renommée" alternatif. Et cette année, certes partant des seuls choix de votre humble serviteur, c'est une classe de vrais durs à cuir qui vous est présentée ci-dessous.
Le Catcheur = The Undertaker
* Pour ses contributions au catch, sur le ring *
Je l'avoue : ce choix est purement subjectif, partial et personnel. Mais je défie quiconque de m'en proposer un autre, plus objectif, à la hauteur ! L'emblème de WrestleMania pour un quart de siècle, raison principal de sa grandeur renouvelée chaque année, n'aurait même pas besoin d'être listé dans un quelconque Hall of Fame pour être respecté, admiré et honoré par tout fan de catch et catcheur qui se respectent.
Catcheur de plus de deux mètres comme un autre (si l'on peut dire) à première vue, au début de sa carrière, il cache judicieusement son jeu pour, petit à petit, impressionné son monde. D'abord, par la maîtrise de sa "gimmick" kitsch de fossoyeur et son investissement soutenue pour la rendre la plus crédible et légitime possible. Ensuite, par son agilité hors-norme sur le ring, n'hésitant pas à sauter sur les cordes et s'envoler à l'extérieur du ring entre deux Chokeslams de derrière les fagots ! Du jamais vu dans le catch américain d'alors ! En cela, il prouve que n'importe qui, petit ou grand, musclé à l'excès ou non, peut être un excellent catcheur sur le ring, et innovant avec ça !
En parallèle d'une carrière phénoménale documentée et connue de tous par coeur, il s'illustre aussi en dehors du ring par l'autorité juste qu'il incarne dans le vestiaire. Incarnant le juge lors des "Wrestling Trials" (rituel de règlement de compte non-violent entre catcheurs en coulisses), ce qui lui vaudra le surnom de "Conscience de la WWE", il obtient le respect même des plus rebelles et insupportables de ses collègues ... et, en contre-point, gagner son respect est un véritable objectif professionnel et moral pour bon nombre de catcheurs.
Pour toutes ses raisons et des centaines d'autres, The Undertaker mérite d'être remémoré comme, peut-être, le plus grand catcheur de tous les temps !
Le Génie = Dusty Rhodes (RIP)
* Pour ses contributions au milieu du catch, en dehors du ring *
Tout a déjà été dit sur Virgil 'Dusty Rhodes' Runnels ... pour dire, il est déjà Alt Hall of Famer, dans la classe des "Pionniers" 2015. Mais cela ne veut pas dire qu'il ne devrait pas être honoré une nouvelle fois !
Sa carrière sur le ring est désormais connue de tous : multiples champions du monde poids-lourd de la NWA, champions à peu près partout où il a séjourné au fil des plus glorieuses années des "territory days", etc. Mais 'The American Dream' est aussi, on le sait, un véritable génie du catch en dehors du ring.
Il était autant le bras droit d'Eddie Graham en Floride, que la star de son Championship Wrestling from Florida. Puis, roi de Géorgie et des territoires Mid-Atlantic, il devient par la suite le cerveau créatif des frères Crockett et de leurs Jim Crockett Promotions. Il participe à la création du premier "super-show" formel de l'Histoire du catch américain avec Starrcade '83, avant de formuler le programme des suivants le voyant batailler 'Nature Boy' Ric Flair au cours d'une de plus mémorables rivalités. Inventeur de la traditionnelle attraction estivale Great American Bash, puis des Clash of Champions, pour rivaliser gratuitement avec les Pay-Per-Views de la WWF, il est le vecteur direct et indirect des plus grandes innovations des années 1980. On pense surtout à ses nombreuses intégrations de la pop-culture de l'époque dans le monde du catch, lui fan de Star Wars, Mad Max et autres "blockbusters" : l'invention des Road Warriors en étant l'exemple le plus probant et réussit. En effet, sans ses coups de génie concurrançant sérieusement l'empire Stamfordien en développement, Vince McMahon n'aurait peut-être jamais lancé le Royal Rumble et les Survivor Series. Pas étonnant que pour s'en moquer, ce dernier nommera le laquet du 'Million-Dollar Man' Ted DiBiase (une "gimmick" exagérée, fantasmée de lui-même), Virgil ... Sans parler de sa tenue noire à pois jaunes qu'il devra porter à ses débuts à la WWF quelques années plus tard.
Certes, comme tous les génies, il n'aura pas eu que des succès : son obsession parfois excessive pour le "Dusty Finish" (une technique de "booking" donnant la victoire - donc la "pop" - au "babyface" avant de retourner la situation sur un détail de règle, pour la donner au "heel"), son Bunkhouse Stampede, PPV organisé sur le territoire de la WWF, et son séjour en tant que "booker" de la jeune WCW, viennent à l'esprit. Néanmoins, c'est sur la durée qu'il maintiendra son esprit si bien armée pour cet art qu'est le catch. "Booker" un temps à la TNA dans les années 2000, il lance l'une de ses plus belles rivalités en opposant enfin AJ Styles et Christopher Daniels. Inventeur des célèbres War Games Match des décennies auparavant, il participe à la création des Lethal Lockdowns, une version plus violente encore. Enfin, comme mis en avant des dizaines de fois par Triple H après son décès, il aura aidé tant de catcheurs et non-catcheurs à percer dans ce milieu. De Paul Heyman à Steve Corino, en passant par Kevin Owens à NXT, sans parler de ses propres enfants ... Dusty Rhodes aura tellement apporté au catch américain, et très certainement mondial.
L'Inventeur = Billy Robinson (RIP)
* Pour ses contributions au progrès, à l'innovation et l'évolution du catch in-ring *
Le meilleur élève de l'anglais Billy Riley, le fondateur du premier Snake Pit, le dernier bastion du vieux "catch-as-catch-can" britannique. A l'instar de Karl Gotch, le "Dieu du catch" selon son disciple Antonio Inoki, Billy Robinson est souvent cité comme le catcheur le plus "réaliste" de l'Histoire. Il est surtout remémorré pour avoir popularisé et, par conséquent, révolutionné le "CACC". Une forme de maîtrise des prises, de l'art de l'improvisation et du partage de coups violents rappellant les racines ancestrales du catch. Peut-être pas l'inventeur lui-même donc, mais Robinson en reste néanmoins l'inventeur de son succès international !
LIRE : Il était une fois au Japon : le shoot-style
Multiple champions dans différentes promotions de divers pays, Billy Robinson a surtout acquis sa réputation en combattant le dernier "hooker" à l'ancienne, Verne Gagne, dans les grandes heures de l'AWA dans les années 1970. Puis, surtout, en conquérant le Japon, dans ses combats contre Antonio Inoki, et avec l'ouverture de son propre Snake Pit au Japon, pour former les futurs "shooters" de l'UWFi. Plusieurs années plus tard, il participera d'ailleurs à la création de Snake Pit USA, d'une ampleur certes moindre. Cité par Nigel McGuinness, Chris Hero/Kassius Ohno ou encore Timothy Thatcher comme principale inspiration de leurs styles si "réalistes", au même titre que Minoru Suzuki et consors du côté japonais, Billy Robinson aura énormément influencé le monde du catch "pur", et aura permis le succès du "strong-style", ancienne et nouvelle version.
La Catcheuse = Mariko Yoshida
* Pour ses contributions au développement du catch féminin international *
"Au cours d'une carrière longue de 27 ans, Mariko Yoshida a véritablement laissé son empreinte sur le catch féminin à travers le monde et a grandement participée a l'avancée et à la prospérité du "Joshi Puroresu" mais également du catch féminin en général, c'est ce qui a fait d'elle l'une des figures les plus respecté et encensé par les fans de "Joshi Puroresu"." C'est ainsi que notre cher H-Edge ouvrait sa chronique sur la nouvelle Alt Hall of Famer :
LIRE : Il était une fois au Japon : Mariko Yoshida
Avec l'Air Raid Crash et le Spider Twist dans la liste de ses innovations in-ring, Mariko Yoshida pourrait très bien figurer dans ce Hall of Fame au titre d'Inventeur. Cependant, si elle doit être récompensée, c'est pour avoir montrer la voie du renouvellement et du réalisme au catch féminin, trop souvent reléguée au spectaculaire et au "eye candy", même au Japon. Loupant la meilleure période pour le "Joshi Puroresu" au début des années 1990 après une blessure, elle revient sur le ring déjà remplacée par les déjà Alt Hall of Famers, Aja Kong et Manami Toyota. Adepte de la voltige, elle décide pour se démarquer de changer radicalement de style in-ring, et de laisser tomber la gloire de l'All-Japan Women's Pro-Wrestling pour la créativité offerte par la plus petite promotion, ARSION (fondée par la première).
C'est là qu'elle développe son style proche du MMA qui a fait sa renommée, combattant même aux côtés de "shooters" comme Minoru Suzuki au cours de sa carrière. Autrement dit, elle n'hésite pas à affirmer, et prouver, qu'elle est l'égale des hommes les plus durs à cuir. Entraîneuse en chef du dojo de l'ARSION, elle a de plus transmis cette mentalité à une génération de catcheuses japonaises et "gaijins", élevant le "Joshi Puroresu" à un niveau d'excellence supérieure encore visible aujourd'hui !
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Les Pionniers
* Pour leurs contributions à une branche particulière du monde du catch *
Dans cette dernière catégorie, consacrée aux icônes du Puroresu, de la Lucha Libre, du catch occidental (américain et européen), ainsi qu'à un style particulier, cinq titres honorifiques de "Pionniers" ont été attribués :
♦ Shinya Hashimoto (RIP)
Keiji 'The Great Muta' Mutoh, Masahiro Chono et Jushin 'Thunder' Liger : voici les trois autres "young lions" avec qui Shinya Hashimoto s'est formé dans le New-Japan Dojo dans les années 1980. C'est dire la génération dorée à laquelle il faisait partie à ses débuts. Celui que certains appellaient affectueusement (ou non), le "gros Elvis japonais" en moquerie pour son adoration pour Elvis Presley, est peut-être pourtant le plus "strong-style" de cette génération. Il est en tout cas le champion poids-lourd IWGP au plus long règne de l'Histoire de ce titre au prestige immense. Champion de la NJPW face à l'invasion "shoot-style" de l'UWFi dans les années 1990, il est aussi l'un des rares à avoir remporté l'AJPW Triple Crown durant sa carrière. Fondateur de la Pro-Wrestling Zero-1, un peu dans la veine de la Pro-Wrestling NOAH, le meilleur ami de Steve Corino est souvent un roi oublié des plus grandes années de la plus grande compagnie de catch japonais au monde. Gloire à toi 'King of Destruction' !
♦ Blue Demon (RIP)
Si El Santo est le plus célébré et el plus iconique de tous les luchadores, c'est certainement pour une bonne partie grâce à son plus grand rival : le père de tous les "rudos", Blue Demon. L'un des rares luchadores (comme El Santo) a avoir pris sa retraite sans avoir perdu son masque, Blue Demon et sa vicieuse prise de la pieuvre, The Octopus Hold, aura su faire le succès de l'EMLL (désormais connu sous le nom de Consejo Mundial de Lucha Libre) au cours des années 1950. Après la défaite de son "hermano", Black Shadow, aux mains d'El Santo, la guerre entre Blue Demon et ce dernier ne cessera de s'estomper, matches après matches de championnat. Rivaux sur le ring, ils combattaient cependant ensemble dans les séries de films mexicains qui feront la renommée d'El Santo.
En résumé, sans Blue Demon, pas de "rudo" pour El Santo à combattre : donc sans Blue Demon, pas d'El Santo comme plus grande star de l'Histoire de la Lucha Libre !
♦ 'Gorgeous' George (RIP)
L'américain d'origine allemande a su dépasser les castings de stéréotypes, évitant une "gimmick" de nazi pour s'octroyer son propre destin, celui de l'innovation et de la grandeur. "Timing is everything", comme on dit souvent. Débarquant dans le monde du catch à l'aube de la télévision américaine, dans les années 1940-1950, 'Gorgeous' George ne pouvait trouver meilleure période pour étonner le monde. Pour preuve, il est souvent cité comme la première star, au sens télévisuelle, de l'Histoire du catch américain. Détonnant totalement des "tough guys" à la Lou Thesz et Killer Kowalski avec ses robes, ses plumes, et ses cheveux frisés et blonds, il était l'anti-conformiste réussi par excellence. Le public adorait le détester, et il savait parfaitement en jouer.
Si Blue Demon est à récompenser pour sa complémentarité avec El Santo, 'Gorgeous' George mérite d'être reconnue pour avoir montrer la voie aux Buddy Rogers, Ric Flair, Billy Graham et autres Randy Savage des décennies suivantes.
♦ Johnny Saint
Du "pumps and circumstances" à "back to basics". Le style de catch "World of Sports", en écho à l'ancienne émission britannique des années 1960-1980 (au "reboot" raté récémment), n'est pas en gardé en mémoire par tant de catcheurs et fans de catch britanniques pour ses stars de l'époque, les très "old-schools" Big Daddy et Giant Haystacks. S'il a inspiré de Nigel McGuinness à Chris Hero/Kassius Ohno, en passant par Zack Sabre Jr., c'est grâce à des inventeurs comme Finlay, William/Steven Regal, Robbie Brookside et surtout, Johnny Saint. Et par inventeurs ou innovateurs, n'entendez pas la même chose que les "high-flyers" et autres "risk-takers" écourtant leurs carrières pour innover, mais à des hommes capables de catcher encore aujourd'hui !
Avant de catcher amicalement Bryan Danielson/Daniel Bryan ou Mike Quackenbush dans les années 2000, Johnny Saint inventait un nouveau visage du "catch-as-catch-can", comme appris par Billy Robinson lui-même, intelligent et spectaculaire. Enchaînant les prises à des vitesses révolutionnaires, jouant un catch "défensif" - en contres et contre-contres -, le tout formant le fameux "chain wrestling", aucun autre ne méritait mieux le titre de "The Man of a Thousand Holds" que lui !
♦ Atsushi Onita [Hardcore]
Après le spectacle et le catch pur, il est temps de récompenser le dernier Alt Hall of Famer de cette classe 2017, le père du catch extrême, plus "hardcore" que 'The Hardcore Legend' Mick Foley : "El Padre del Deathmatch" Atsushi Onita.
Première vraie star Junior Heavyweight de l'AJPW à la fin des années 1970, Onita n'était pas encore tout à fait dans son élément, comme il le constatera en excursion à l'étranger. Après un passage à Memphis et Puerto-Rico, les endroits les plus violents du monde du catch dans les années 1980, il revient au Japon plein d'idées terrifiantes. En 1988, il fonde sa propre promotion, la Frontier Martial-Arts Wrestling et s'apprête à changer le monde du catch pour les deux prochaines décennies à venir. A base de "deathmatches" dépassant totalement l'entendement des versions originelles américaines, la promotion se centre sur de violentes rivalités entre divers combattants défiant l'immortel héros Onita. Comme Sabu puis Mick Foley aux Etats-Unis plusieurs années plus tard, Atsushi Onita construit sa réputation sur le nombre de coups et de douleur qu'il est capable d'endurer avant de vaincre glorieusement son adversaire. Ses matches attirent les foules comme jamais, rivalisant plusieurs fois avec la popularité de la plus grande NJPW. Et à chaque fois l'ultra-violence est accentuée : No Rope Barbed-Wire Death Match, Bombs Cage Match, etc.
Aujourd'hui, le catch mondial semble s'être très majoritairement éloigné du catch "hardcore" qu'avait véritablement lancé Onita, avant d'être popularisé par l'ECW et la WWF. Encore à tenter de le faire revivre avec le "reboot" de la FMW, Onita est néanmoins à récompenser pour sa créativité et ses efforts historiques.