Bryan Danielson
Back To The Past #13 : PWG Seven (2010)
- Par ludovic-h
- Le 23/08/2017
- Commentaires (0)
Lorsque nous nous sommes quittés il y a quelques mois, nous évoquions l'excellent Whole F'n Show de la TNA, datant de 2010. Aujourd'hui, laissons notre DeLorean du catch en 2010 pour une nouvelle « review ». Vous l'avez compris : Back To The Past effectue son retour après quelques mois d'absence !
Pour les nouveaux lecteurs, le but de cette chronique est d'analyser des Pay-Per-Views (PPV) de catch (ou parfois de simples shows, comme celui-ci), toutes époques et toutes fédérations confondues. Mais cette fois-ci, il y a un petit changement. La formule de la chronique a été changée, et vous aurez l'occasion de la découvrir à travers cet article. Alors ne perdons pas une minute de plus, pour parler de PWG Seven !
A propos du PPV
PWG Seven est un événement de la Pro Wrestling Guerrilla, organisé pour célébrer ses sept ans d'existence. Il s'est déroulé le 30 juillet 2010 dans l'American Legion Post #308, la salle dans laquelle se sont produits tous les shows de la PWG depuis 2009, hormis quelques rares exceptions. La PWG est réputée comme étant une des meilleures fédérations dans le monde, réunissant ce qui se fait de mieux dans le circuit indépendant, non seulement américain, mais également mondial. Cette fédération est le théâtre de matchs de très grande qualité, et possède des fans toujours plus fervents. Le show dont nous parlerons aujourd'hui est donc un peu spécial, puisqu'il s'agit de septième anniversaire de la fédération – créée donc en 2003 – mais surtout en vue du programme bien chargé qu'il propose … et que nous allons voir sans plus attendre.
Voici, en premier lieu, les résultats :
(Au sein de cette nouvelle formule de BTTP, vous remarquerez l'ajout de notes aux résultats des matchs, reprenant le bien connu « 5-Star Rating » de Dave Meltzer. C'est en effet plutôt subjectif, mais cela ajoute de la précision à l'analyse effectuée plus bas.)
- Brandon Gatson, Candice LeRae & Johnny Goodtime b. Malachi Jackson, Peter Avalon & Ryan Taylor (***1/2)
- Brandon Bonham b. Brian Cage (***1/2)
- Akira Tozawa b. Chris Sabin (***1/4)
- Scorpio Sky b. Scott Lost (***3/4)
- Bryan Danielson b. Roderick Strong (***1/2)
- Davey Richards © b. Chris Hero et reste champion de la PWG (****1/4)
- Peligro Abejas (El Generico & Paul London) © b. The Cutler Brothers (Brandon Cutler & Dustin Cutler) & The Young Bucks dans un 3-Way Guerrilla Warfare Match pour conserver les titres par équipe de la PWG (****3/4)
Joyeux anniversaire PWG !
La PWG avait tous les ingrédients pour réaliser un show d'exception. Effectivement, on peut voir que le casting est particulièrement alléchant, avec les débuts d'un certain Brian Cage, le retour (éphémère) ultra attendu de la légende du circuit indépendant Bryan Danielson ou encore les adieux émouvants de Scott Lost – l'un des six fondateurs de la promotion. Finalement, résumé ainsi, ce show peut représenter de manière métaphorique les différentes étapes de la carrière d'un lutteur. De plus, le public était venu en nombre, presque à croire qu'il y avait plus de monde que de places possibles dans la salle !
Deux matchs assez similaires ont ouvert ce show-septième anniversaire de la PWG. D'un côté, un match à 3 contre 3, et de l'autre un match opposant Brandon Bonham et un jeune Brian Cage, déjà plutôt fier de sa masse musculaire à l'époque (ridicule comparée à celle qu'il arbore aujourd'hui !). Nous allons ainsi traiter ces deux affrontements ensemble, puisqu'ils possèdent un fort point commun : ils ont tous deux ravi le public dès l'ouverture !
Aussi bien le premier match, plus axé sur du « comedy wrestling », que le second, quoique plus classique, étaient très agréables à regarder et particulièrement imprévisibles pendant leur durée. Comme souvent à la PWG, les grosses prises impressionnantes étaient de sortie et chaque « nearfall » devenait de moins en moins probable et de plus en plus surprenante. Ainsi, les deux matchs étaient particulièrement rythmés, de quoi tenir le spectateur en haleine pendant un moment. Malheureusement, les quelques cafouillages du premier match enlevaient une certaine lisibilité au match, compensée cependant par de nombreux moments fort divertissants. Concernant l'autre match, on pourra reprocher à Brandon Bonham de porter ses coups avec beaucoup de virulence, sans trop faire attention à son adversaire, comme certains le reprochaient à un certain Davey Richards que l'on retrouvera plus tard. Finalement – et ce, malgré la défaite – Brian Cage a largement réussi ses débuts dans cette fédération avec une performance plus qu'honorable.
Afin de célébrer ce septième anniversaire, la PWG nous proposait quelques affrontements particulièrement intéressants, dont nous parlerons un peu plus tard. Perdu au milieu, se trouvait le match opposant Scorpio Sky à Scott Lost, lequel effectuait son dernier match d'adieu avant de se retirer du monde de la lutte professionnelle. Ce n'est pas évident de se retrouver au milieu de grands matches, bien que celui qui nous intéresse n'ait pas à démériter. Ce match d'adieu était extrêmement réussi. Les deux protagonistes ont diablement bien réussi à nous transmettre une certaine émotion. Une vraie joute, voilà ce que se sont livrés ces deux athlètes ! Un match d'une intensité assez incroyable avec des prises de risque toujours plus impressionnantes, notamment grâce à des prises portées à l'extérieur du ring particulièrement effrayantes. On pourra citer les effroyables Suplex et German Suplex effectuées depuis le ring vers l'extérieur de celui-ci, nous faisant craindre une blessure éventuelle. Fort heureusement, nos deux lutteurs maîtrisaient leur sujet à la perfection, et l'histoire racontée par le match était très forte : Scott Lost voulant à tout prix empocher une dernière victoire – par tous les moyens – mais qui finalement succombe face à un adversaire plus tenace que lui. Parce qu'il faut souligner que Scorpio Sky a eu beaucoup de mal à venir à bout de son adversaire, ce qui est une bonne idée de « booking » renforçant le « storytelling » du match. Cette fin de match et cette défaite se montrent particulièrement symboliques pour Scott Lost : malgré la défaite, il aura délivré une performance dont il peut être fier, afin de quitter le monde du catch sur une note positive.
En guise de cadeaux : De très belles têtes d'affiche ...
Ce PWG Seven est une sorte de cadeau mutuel entre les fans et la fédération. D'un côté, les fans restent fidèles au produit proposé, et en contre partie, ils bénéficient de rencontres particulièrement alléchantes – parfois inédites.
La première d'entre elles opposait Akira Tozawa à Chris Sabin. Un match arrangé un peu à la dernière minute puisque Chris Sabin devait prendre part au Main Event avec son partenaire Alex Shelley, mais ce dernier s'était blessé juste avant le show. Ce match de dernière minute peut être considéré comme décevant, sachant le talent des deux lutteurs impliqués. Mais lorsqu'on prend en considération le fait évoqué précédemment, notre avis peut devenir plus indulgent. Car, en soi, le match était plutôt agréable. Certes, un peu lent par moment, mais les nombreux enchaînements de fin de match et l'excellent final changèrent un peu plus la donne, remontant le niveau global de cette rencontre.
Plus tard, nous retrouvions le retour tonitruant de Bryan Danielson à la PWG face à Roderick Strong, un match très attendu en somme. En effet, Danielson (ou Daniel Bryan pour ceux qui l'auraient connu uniquement à la WWE) s'était fait licensier de la WWE pour avoir simulé un étranglement sur l'annonceur Justin Roberts avec une cravate lors des agressifs débuts de la Nexus pendant un épisode de Raw. En effet, cette action était une prise d'initiative de la part de Bryan, loin d'être PG, qui n'a pas été tolérée au sein de la WWE (cette action n'étant donc pas scriptée au départ) ce qui a finalement causé son renvoi, avant de revenir au sein de la compagnie de Stamford quelques semaines plus tard à l'occasion de SummerSlam 2010. Il était donc de retour à la PWG à la plus grande joie des fans, face à un Roderick Strong bien déterminé à gâcher la fête.
D'ailleurs, les deux lutteurs se sont servis de la controverse autour du renvoi de Bryan pendant le match. En effet, les deux ont utilisé une cravate pour étrangler leur adversaire, en référence à ce qui s'était passé à la WWE. Bien évidemment, cela n'a pas manqué de faire rire les fans dans la salle, chantant « Fire him ! » (traduction : « Virez-le ») en référence à la très célèbre catchphrase de Vince McMahon. Parlons en maintenant, de ce match en question. Les deux lutteurs se sont livrés une bataille très technique. En même temps, on pouvait s'en douter concernant ces deux excellents catcheurs. Le match était très plaisant, avec une bonne conclusion et un public extrêmement impliqué comme toujours, avec de bons contres et enchaînements - de quoi ravir ces derniers.
La soirée continue tambour battant avec un match opposant Davey Richards face à Chris Hero avec le titre de champion de la PWG en jeu. Concernant cet affrontement, il y en avait pour tous les goûts puisque les lutteurs ont exploré divers domaines : le technique, l'aérien et le « strong-style » cher aux deux compétiteurs. Le match s'est déroulé de manière progressive, avec un début relativement lent, mais une fin tonitruante. Et c'est là où le match se veut particulièrement plaisant. On pouvait sentir l'intensité monter d'un cran à chaque fois, et on se retrouvait ainsi plongé dans le match à 100 %. On pourra également parler du « work » de Davey Richards sur la jambe de son adversaire – situation dont les lutteurs se sont parfaitement servis jusqu’à la fin du match. Ainsi le match s'est terminé par 10 dernières minutes palpitantes, avec une certaine dose de brutalité et de suspense. La fin de match arrive à clore le duel d'une excellente manière, voyant Chris Hero abandonner sur un Ankle Lock, fruit du « work » sur la jambe exercée sur ce dernier. En somme : un excellent match de championnat !
… Et un carnage pour Main Event !
Il me semble que le mot « carnage » est un bon qualificatif pour parler du Main Event. Mais ne vous y méprenez pas. Ici, le terme est absolument élogieux et positif.
En effet, la PWG nous a offert en conclusion de show un Guerilla Warfare Match, un match sans disqualification entre 3 équipes. Un fait plutôt rare dans cette fédération, puisque celle-ci se concentre surtout sur des matchs plus classiques. Mais un peu de folie ne fait pas de mal après tout ! On arrive de suite à ressentir l'atmosphère électrique qu'engendre ce match. Et les protagonistes ne nous font pas mentir puisqu'ils n'attendent même pas le son de la cloche pour démarrer en trombe. Et c'est là que commence LE match de la soirée. On peut observer que le public est immédiatement rentré dans le match, et pour cause, tous les fans présents dans l'arène étaient debout durant la totalité de la rencontre, tant ce qui se passait devant leurs yeux était excellent. Parce que oui, les catcheurs nous ont offert un match d'exception. Un véritable « spotfest » mais pas dans le sens péjoratif du terme. Parce que le match était extrêmement bien construit. Et c'est une rude tâche que d'agencer un combat comme celui-ci avec autant de lutteurs impliqués. Les séquences fortes – et il y en a eu tout le long du match – se sont enchaînées avec une intelligence et une logique remarquable. Chaque équipe a eu son ou ses moments forts, et ainsi l'occasion de briller. On se serait presque cru parfois à la grande époque de l'ECW, avec des combats dans le public et des fans qui tendent des objets aux lutteurs afin qu'ils soient utilisés. La stipulation a bien évidemment été parfaitement utilisée, puisque le combat s'est avéré aussi bien violent qu’excitant. On se surprendrait presque parfois à applaudir et à reprendre les chants de la foule, seul, derrière son écran tellement ce que l'on voit est passionnant. Ainsi, grâce à ce match divertissant au possible, la PWG clôt cet événement de la plus parfaite des manières.
PWG Seven est donc un très grand cru.
D'ailleurs, on peut observer sur le site Cagematch.net (une sorte de base de données dédiée au catch) que PWG Seven a été élu meilleur show de l'année 2010 par ses membres, avec une note moyenne de 9,52/10.
De quoi vous inciter à voir le show si vous n'aviez pas déjà envie !
De Bryan Danielson le grand, à Daniel Bryan le pur : l'étoile qui n'a jamais cherché à en être une
- Par
- Le 09/02/2016
- Commentaires (0)
Hier soir, en rentrant d'un magnifique concert de musiques de films dans le Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, j'apprenais que Bryan 'Daniel Bryan' Danielson comptait annoncer son départ à la retraite le soir-même à WWE RAW. Après des mois d'absence, d'examens médicaux, de discussions, d'envie de la part de Bryan et de ses fans de le revoir monter sur le ring, tout est amenée à une abrupte conclusion - en pleine "Injury Curse" comme appellent les américains cette semblante malédiction qui frappe depuis autant de mois les stars des rosters (composés du "main-roster" et de NXT) en amont de WrestleMania 32. Ainsi, avais-je hier soir réagi à la situation sur ask.fm/Felixtaker :
« Comme vous le constatez, je réagirais ici au sujet de Daniel Bryan. Effectivement, tout cela sent le "swerve" à plein nez, mais serait-ce l'observation d'un instinct objectif ou d'un espoir subjectif de la part d'un passionné (comme tant d'autres) qui n'a pas envie de dire "au revoir" à un de ses héros ?
Seul ce qui se passera devant les caméras de WWE RAW nous le dira ....
Ainsi, l'option de "swerve" à la Mark Henry est aussi probable que celle d'une réelle annonce de départ à la retraite à la Edge.
D'un côté, il y a cette annonce in extremis (accompagnée des tweets très rapides du roster de la WWE ...), signalant une envie possible sous-jacente de booster les audiences d'un show qui est en baisse. Sans oublier ce nouveau "branding" étrange sur le nom de "The Revival", dont la raison reste encore mystérieuse ...
De l'autre, on a les rapports des "insiders" comme Meltzer, Johnson ou le ProWrestlingSheet qui affirment la réalité de la chose, et l'état physique déplorable véritable de Bryan ...
So wait & see, mais quoi qu'il en soit, ce soir nous allons avoir droit à un grand moment d'émotion, qu'il soit profondément triste et émouvant ou qu'il soit choquant, surprenant et enthousiasmant. »
Malheureusement, le fameux tweet du 'Yes! Man' était tout ce qu'il y avait de plus sincère et réel, tel que nous l'avons compris en dernière partie de ce RAW. Dans un élan de "feel-good attitude", celui que les fans de la WWE connaissent sous le nom de Daniel Bryan a pris son temps au milieu de ses fans locaux (de Seattle, non loin d'Aberdeen, la petite ville bûcheronne d'où il vient) pour confirmer la fin définitive de sa carrière (car Terry Funk ou Ric Flair il n'est pas, j'en suis convaincu) et apprécier un dernier moment au contact d'un ring qu'il a tant aimé. Le sauveur - notre sauveur, celui que l'on a choisi envers et contre tout, comme il l'a lui-même rappellé en se souvenant de l'interruption du "build-up" de TLC 2013 - ne viendra plus nous sauver des plans inorganiques de Vince McMahon, Kevin Dunn & Cie, comme celui d'installer sur le trône un jeunot qui n'en a pas (pas encore ou pas du tout) les épaules. Et cet élu du peuple, bien qu'il en a arboré une ressemblance physique, n'avait rien de divin : petit, maigrichon en comparaison à ses collègues et loin d'être égocentrique, Daniel Bryan a été choisi, comme jamais personne auparavant, par le public soucieux de se faire entendre dans cette ère de réseaux sociaux ou les voix peuvent tout aussi bien se perdre que s'unifier ainsi. Lui, ce champion des passionnés et autres petites gens trop souvent ignorés et oubliés, tout ce qu'il voulait était catcher, en offrant la meilleure performance possible chaque soir. Catcher à n'importe quel prix, n'importe où et pour n'importe qui.
Des débuts difficiles mais toujours plein d'espoir
C'est ainsi qu'il a quitté la petite ville natale de Kurt Cobain, pour traverser le pays entier et atterir à l'école de catch texane du 'Heart-Break Kid' Shawn Michaels (aux côtés de celui qui deviendra son grand ami de toujours, Brian 'Spanky' Kendrick). Puisqu'il voulait catcher et rien d'autre, autant se donner les moyens d'apprendre des meilleurs. Néanmoins, l'un des meilleurs avec qui il comptait apprendre n'était pas souvent là, aussi il a dû apprendre sur le tas avant de rejoindre Memphis et intégrer l'un des nombreux anciens centres de développement de la WWF/E. C'est là, qu'en 2000-2001, il commence enfin à comprendre l'art de lutter entre les cordes, sous la houlette d'un des maîtres oubliés, William Regal. Malgré l'absence d'un héritage quelconque dans la profession, Bryan est doué d'un talent précoce. Le genre de talents qui n'aura pas l'occasion d'être exposé au-delà de WWE Velocity (malgré un "call-up" dès le Royal Rumble 2001 pour construire une nouvelle Cruiserweight Division) mais qui installera la réputation d'un circuit indépendant américain tout-nouveau, et de sa meneuse La Ring of Honor.
Après ses premières tournées au Japon (notamment à la NJPW, sous les traits et le masque de The American Dragon) et sa victoire au King of Indies Tournament 2001 (l'événement qui inspirera Gabe Sapolzsky dans la fondation de la ROH) en Californie, Bryan Danielson débute comme l'un des trois "pères fondateurs" de la petite promotion de Philadelphie, faillant avec Christopher Daniels face à Low-Ki dans le Main-Event de The Era of Honor Begins .... Dès lors, sa route vers son nirvana insoupçonnée prit petit à petit la forme d'un des plus grands parcours de l'Histoire du catch. Contrairement au junkie Cobain et son je-m'en-foutisme dénonçant la tristesse de sa jeunesse dans les rues paumés d'Aberdeen pour en faire une carrière, Bryan ne se laisse pas abattre par les circonstances et ne cesse de s'améliorer et de travailler au son de pensées toujours plus positives les unes que les autres. C'est ainsi, que revenant du Japon en 2005 après le célèbre "Summer of Punk", il devient l'entraîneur #1 du ROH Dojo et empoche son premier et unique titre de champion du Monde de la Ring of Honor.
Le plus grand artiste de l'Histoire de la Ring of Honor
Si Samoa Joe puis CM Punk ont permis avant lui d'installer la réputation de la Ring of Honor comme promotion reine de la scène indépendante occidentale, c'est à Bryan Danielson que revient le crédit de l'avoir construite et établie comme la véritable alternative au produit type soap-opéra de la WWE. Pendant près d'un an et demi, celui qui en premier se surnommera 'The Best In The World' règne sans partage sur les rings de la ROH : co-record man du nombre de défenses de titres durant son règne, Bryan y a défendu sa ceinture contre une légion de talents - d'Austin Aries à Samoa Joe, de Roderick Strong à Chris Hero et des japonais de la Pro-Wrestling NOAH, KENTA et Naomichi Marufuji, au tout-juste retraité Lance Storm. Et c'est durant ce règne qu'il rencontre celui que l'Histoire retiendra comme son plus grand rival, Nigel McGuinness.
Jeune britannique parti aux Etats-Unis pour conquérir la WWE grâce à une taille et un physique avantageux, il s'est pourtant petit à petit converti au "catch-as-catch-can" européen et au "stiff style" nippon, faisant de lui le parfait adversaire pour le technicien "heel" classique qu'était Bryan. Ensemble, ils font les grandes heures de la Ring of Honor - dépassant même celles pourvoyés par la trilogie de Joe vs. Punk - à commencer par leur violent Unification Match (unifiant les titres de champion du Monde et de champion Pure, faisant suite à l'égalité en un-contre-un entre les deux hommes) d'Unified à Liverpool, le premier show international de la ROH. Champion de la PWG ou encore de la petite-soeur de la ROH, FIP, au même moment, Bryan réitère ce même chef d'oeuvre au Japon, en Allemagne, ou encore à New-York City pour le sixième anniversaire de la compagnie. Aussi s'embarque-t-il dans une autre rivalité internationale, mais aussi inter-promotionnelle, face au plus intense et doué des Junior Heavyweights japonais, KENTA (connu aujourd'hui à WE NXT sous le nom d'Hideo Itami). Pour le battre, 'The American Dragon' fait tous les écarts : c'est l'épaule démontée qu'il l'affronte dans un de leurs plus beaux combats, lors de Glory By Honor 2006 au Manhattan Center. Le même soir, son autre némésis, McGuinness, revenait d'un excellent affrontement face à Marufuji : "Vu son état, je m'étais dit qu'il aurait tout le mal du monde à dépasser ma performance. Mais quand je l'ai vu arriver sur le ring, plein d'énergie et de détermination, et quand j'ai vu avec quelle passion il luttait ce soir-là, j'ai su que jamais je ne serais à sa hauteur".
C'est en 2009 que ce parcours des plus grandioses s'achève, non seulement pour Bryan, mais aussi pour Nigel - tout deux prêts à continuer leurs carrières respectives dans la "big league" de Stamford. Chacun porteur de nombreuses blessures (que ce soit Bryan et son oeil gauche démoli par Takeshi Morishima ; ou Nigel et son crâne, à jamais endommagé, par Austin Aries lors de leur chef d'oeuvre surprenant de Rising Above 2007), c'est l'un face à l'autre, au cours d'un dernier classique, qu'ils dirent "au revoir" à la compagnie qui les a vu explosé et qu'ils ont aidé à installer dans le top 3 des plus grandes organisations de catch occidental. Malheureusement, tout ne sera par la suite aussi majestueux que ce dernier cadeau au catch indépendant : refusé pour raisons médicales par la WWE, Nigel McGuinness deviendra Desmond Wolfe à la TNA - débutant de la meilleure des manières contre un autre artiste, Kurt Angle, avant de subir les dommages collatéraux de l'ère Hogan-Bischoff et de tomber dans l'oubli et de raccrocher les bottes contre son gré. Séparés par le destin, les deux hommes (amis mais pas autant que Daniel l'était avec un certain Colt Cabana, par exemple) n'oublieront cependant jamais ce que l'un a fait pour l'autre : "Le soir où il a utilisé sa mallette du Money In The Bank pour remporter son premier titre de champion du Monde poids-lourd de la WWE", raconte Nigel McGuinnes, "il m'a envoyé un message - et Bryan n'est pas un 'telephone guy' - simplement pour me dire qu'il aurait tellement voulu que je sois à ses côtés pour partager ce moment avec lui".
Le héros dont la WWE ne voulait pas, mais le héros dont la WWE avait besoin
Neuf ans après son premier contact avec l'empire McMahon, Bryan Danielson devient Daniel Bryan sur les écrans de la première version de WWE NXT - un remplaçement pour le désastre nommé "WWECW", en un hybride de Tough Enough. Là, le prince du "indy pro-wrestling" est humilié, et réduit au plus rookie des rookies. Placé sous l'égide de son anti-thèse, The Miz, Bryan est l'un des premiers éliminés de la "compétition". Et quand sa première heure de gloire semble venir avec le carnage inaugural de The Nexus à RAW (en signe d'insurrection de toutes les humiliations que ces jeunes lutteurs avaient subis lors de cette première saison de NXT), Bryan se retrouve renvoyé dès le lendemain - et ce pour avoir choqué les programmateurs de USA Network, après avoir suivi les directions créatives de ses supérieurs, à savoir être le plus violent possible dans le dit carnage. Repris directement par son ancien patron Gabe Sapolszky, pour de brèves participations à la construction de ses nouvelles promotions (EVOLVE - dont le noyau de sa conception lui revient - et Dragon Gate : USA, où il offrira un excellent match contre Shingo Takagi à Enter The Dragon), il est ré-engagé sur demande publique pour SummerSlam 2010. Le premier signe de grandes choses similaires à venir sans doute ...
Contrairement à son rival McGuinness à son arrivée à la TNA, Daniel Bryan n'a pas de réels premiers pas faciles à Stamford et séjourne en milieu de carte pendant plusieurs temps : un soir il remporte le titre des Etats-Unis, l'autre sa défense de titre à WrestleMania est annulée ; un soir il empoche le Money In The Bank de Smackdown! (à la place de Wade Barrett), un autre il perd match-sur-match. Mis aux côtés des Bella Twins (un autre signe de choses à venir), puis de Gail Kim et d'AJ Lee, il construit un "heel-turn" puis arrive à accaparer la ceinture de champion du Monde (débutant son initiallement insupportable "Yes ! Yes ! Yes !"), avant de la perdre en 18 secondes à WrestleMania 28 (dans le même match annulé l'an passé). Mais, coup du destin, comme le disait l'une de ses plus grandes inspirations sur le ring, Chris Benoit : "Il y a parfois un sentiment de victoire, en pleine défaite". En effet, c'est grâce à cette gabegie que les fans en plus grand nombre commencent à se rallier à sa cause, reprenant amusement contre lui son chant "Yes !", en réponse à ses "No ! No ! No !". Débute alors une lente et progressive conquête du coeur du public, de la plus involontaire et (ipso facto) organique des manières.
Formant pendant un an le duo incongru et divertissant Team Hell No, Bryan devient un régulier de l'upper mid-card et obtient ainsi l'opportunité monumentale d'affronter l'incontesté #1 du roster, John Cena, dans le Main-Event du 'Mania estival, SummerSlam 2013. Là, et uniquement pour servir de tremplin au nouveau "heel-turn" de Randy Orton et The Authority, il est couronné champion de la WWE en conclusion d'un superbe Main-Event. Remplissant son rôle de "heat bringer" pour ce Randy Orton vendu lors de nombreuses arnaques et autres défaites, l'ancien 'Best In The World' et la WWE ne soupçonnent pas le raz-de-marrée qu'ils provoquent. Vince McMahon et Triple H ayant en tête de préparer au mieux le retour de Batista, en "face" dominateur pour affronter un "heel" le plus détesté possible, ils ne réalisent pas le monstre qu'ils sont en train de créer : contre toute attente de la part de l'exécutif, les fans se rebellent ardemment contre ces plans, se sentant trahis par la manière dont Bryan semblait avoir été finalement accepté au sommet de la compagnie, pour être réduit en simple chair à canon pour les vieux chouchous de 'The Game'. Cette vague de mécontentement couplée à un soutien aussi puissant pour Bryan, se retrouvera en amont de TLC 2013 (cf. lien plus haut), durant sa storyline aux côtés d'une grandissant Wyatt Family, et bien sûr du fiasco escompté du Royal Rumble 2014. Point d'ancrage du surnommé sur l'instant "Week When Wrestling Died" (car accompagné de la désertion de CM Punk), il en sera celui de la victoire finale des petites gens, fans et clients de la WWE, sur les décisions et envies des "Powers-That-Be", dans leurs Titan Towers.
"CM Punk et moi, nous n'étions pas supposés de réussir à ce point à la WWE. Il a des tatouages et pas d'abdos, et je suis 'trop petit' : en somme, nous sommes loin d'être des Superstars standards. En d'autres termes, nous ne devrions même pas être là où nous sommes aujourd'hui." - Daniel Bryan
Si, en juin 2011, CM Punk avait réussi à enclencher une tant-demandée nouvelle ère (celle des dernières heures du "kayfabe", celle d'une communauté jamais aussi forte et connectée, et d'un catch mondial dans un "boom" discret), c'est bien Daniel Bryan en 2014 qui a réussi à rallier tous ces nouveaux (ou revenants, réactivés) fans en leur donnant l'espoir, l'envie véritable de changer les choses, sans les forçer (que ce soit de sa part, ou de celle de Vince McMahon) et en les unissant pour atteindre le plus grand "Moment of Pop", ce "mark-out moment", de notre génération. Celui-là même, qui est arrivé à WrestleMania xXx, concluant l'un des plus grands événements de l'Histoire de la WWE et sans doute, le plus important du tout-jeune WWE Network. A cet instant précis (même après le choc de la défaite inattendue de The Undertaker, après 21 victoires consécutives à 'Mania), tout allait bien dans le meilleur des Mondes ... Seulement à cet instant.
Vers un "au revoir" difficile ...
Suivant la beauté de WrestleMania à la Nouvelle-Orléans, s'en sont suivis nombre d'obstacles - un "Final Countdown" des plus attristants. D'abord, prit d'un mal à la nuque et d'une commotion cérébrale, Bryan n'eut guère le temps de savourer son premier (et dernier) grand règne au sommet du Monde du catch ; puis, lors de son retour pour le Royal Rumble 2015, il sera devancé par le "monster push" du jeune et inexpérimenté Roman Reigns (résultant en un plus grand mécontentement qu'en 2014) ; avant, enfin, de remporter le titre (de consolation) de champion Inter-Continental à WrestleMania 31, débutant un règne arrêté abruptement deux semaines plus tard. Par la suite, Daniel Bryan ne sera plus revu en tenue de combat, et ne catchera plus ... et pour toujours, de toute évidence.
Durant sa courte carrière à la WWE et son interrompu séjour au sommet des sommets, Bryan Danielson a réussi à impacter et modeler, l'Histoire du catch, comme personne après 'Stone Cold' Steve Austin. Et non seulement cette grande Histoire, mais aussi notre histoire, notre génération, notre passion de fans de catch. Tel l'antique Bruno Sammartino et sa symapthie naturelle partagée par tant de new-yorkais, ce simple jeune originaire d'un village de bûcherons a réussi contre toute-attente, y compris de sa part, à changer son monde et le monde de tant d'autres. Comme Mick Foley avant lui (au même look de clochards), il a acquis une appréciation du public sans pareil, sans être l'emblême de réussite revendiqué par les dogmes de Vince McMahon, Kevin Dunn et d'autres (même extérieurs au Monde du catch !). Et, à l'instar de CM Punk juste avant lui, il a ouvert la voie à nombre de ses collègues en rendant possible le succès pour des techniciens de renoms, de promotions indépendantes telles la Ring of Honor, comme Seth Rollins, Cesaro, Finn Balor ou Sami Zayn (comme quoi, sans Bryan, NXT n'aurait jamais eu le succès dont il profite aujorud'hui), des catcheurs de talent ayant simplement une envie : celle de catcher, plus que tout au Monde.
Alors, à toi Bryan Danielson - le catcheur, mais aussi la personne en dehors des rings, si "animal-friendly", un peu nerd et si généreuse (comme on l'a constaté sur les écrans, avec Connor The Crusher) : au revoir et merci.