APC Catch

EXCLU - Podcast : Reportage sur les traces des commotions cérébrales

Le 7 janvier dernier, à Nanterre, un jeune rugbyman avait été évacué du terrain suite à une commotion cérébrale. Quelles sont les conséquences de ce traumatisme crânien bien connu des boxeurs ? Touche-t-il aussi une pratique, plus ou moins sportive, comme le catch ? Témoignages d'A-Buck et Aigle Blanc, catcheurs français, et explications du professeure Pascale Pradat-Diehl de La Pitié-Salepétrière.

Retour sur le Tournoi des Poids-Lourds 2018 : Belle expérience ... sans histoires

Ce bref reportage audio, réalisé pour une diffusion (probablement) prochaine dans l'émission scientifique de France Inter, La Tête Au Carré, a été réalisé dans deux optiques : sensibiliser le grand public à la réalité physique du catch et l'attention actuelle portée (et à porter) sur les commotions cérébrales - aussi bien à ceux qui les subissent, qu'à ceux qui en sont spectateurs.

Et le mot "spectateur" n'est pas anodin : comment savoir si l'importance d'une chute, la souffrance ou la confusion d'un catcheur est un "work" ou non, si il use d'un excellent "selling" ou souffre réellement ? Qui n'a pas pensé, notamment, à la possibilité d'un "work", un "set-up" vers un plus grand "pay-off", quand Katsuyori Shibata a été mis sur le banc de touche immédiatement après sa merveilleuse défaite contre Kazuchika Okada (qui semblait pourtant avoir bien plus morflé que 'The Wrestler') ? Cette ambivalence inhérante au catch - balayée du revers d'une main sur lequel est inscrit "de toute façon, c'est du chiqué, il fait semblant" - ne doit pas nous éloigner de nos inquiétudes bien fondées (et cela se ressent chez des catcheurs, comme A-Buck ou Aigle Blanc, qui n'ont jamais eu à faire face à ce genre de blessures - quoique ce dernier m'avouait après notre interview qu'il se doutait bien que de prendre des coups à la tête à un rythme de travail effréné ne pouvait qu'entraîner des commotions cérébrales) du sérieux des conséquences physiques que nos héros du ring s'infligent.

Car oui, et Shibata en est un exemple probant, les catcheurs (ses sportifs-artistes, à la fois passionnés et compétiteurs au fond d'eux-mêmes) sont les premiers à ignorer la vraie gravité de leurs afflictions : au nom d'une archaïque virilité ou d'une "bad-assittude" fictive que la réalité pourrait trahir (#KeepItKayfabe #ItsStillRealToMeDamnIt), ou par simple inexorable envie de remonter sur le ring, d'avoir cette sécrétion d'adrénaline ou cette injection d'argent dans le porte-monnaie. Je me rappelle encore cette anecdote de Marc Mercier (pas le meilleur exemple, pour quoi que ce soit, je crois, devant l'Eternel) : "durant ma carrière sur le ring, j'ai été une fois transporté à l'hôpital, dans le coma, suite à une commotion. J'avais sauté depuis la troisième corde vers mon adversaire alors à l'extérieur du ring, mais des spectateurs l'ont poussé, et je me suis écrasé la tête sur le béton. Ce ne m'a pas empêché de re-catcher quelques semaines après".

Pourquoi le catch n'est pas si "fake" que ça (Sciences Et Avenir)

C'est cette complexité, de ses deux sujets entremêlés, que je souhaitais mettre en avant dans ce court radio-reportage. De quoi vous sensibiliser l'esprit avant, sans doute, le résultat prochain du grand procès de Chris Nowinski et Cie contre la WWE. Il y a un ou deux ans, après un film avec Will Smith en Dr. Bennet Omalu (celui qui a décrit l'encéphalopathie traumatique chronique, la maladie neuro-dégénérative précoce liée à l'accumulation de commotions cérébrales), la NFL s'en était sortie en reversant des milliards à ses footballers. Peut-être que la WWE ferait mieux de la suivre, si elle veut lancer sa XFL 2.0 sans encombre ...

 

Tournoi des Poids-Lourds 2018 : Belle expérience ... sans histoires

Si vous suivez The Alt sur Facebook (ou mon compte Twitter), vous savez très certainement déjà que je suis passé par le studio Jenny pour assister au Tournoi des Poids-Lourds 2018 de l'APC Catch. A la fois pour mon propre plaisir et pour préparer un reportage radio (affaire à suivre), je m'y suis rendu en compagnie d'un non-initié au catch en général. Si la conversion de ce dernier a été réussie, pour ma part, j'ai eu le sentiment d'avoir renoué avec le catch français : après plusieurs années de disette, à le suivre simplement de loin, ce retour a été triomphale.

Tenu dans une salle des fêtes (pardonnez-moi : "Le Temple du Catch") pleine à craquer et composée d'autant de familles du voisinnage que de fans de catch endurcis , le premier show de l'année pour la promotion de Nanterre semble avoir été un succès. Catch de bonne qualité, lutteurs prometteurs ou charismatiques, bonne animation par ce cher Sturry de C'est ça le catch et un "booking" certes traditionnel mais structuré et efficace ... Mais seul bémol, et il est de taille pour celui qui souhaite savoir si le catch français a "évolué" : la narration y est quasiment inexistente. Chaque catcheur a une personnalité bien établie, souvent maîtrisée, mais elle ne s'arrête qu'au rôle de la "gimmick" (parfois encore un peu kitsch d'ailleurs, mais de toute évidence, à ce niveau, le catch français semble changer dans le bon sens). Il n'y a ni vrais personnages ni vraies histoires le reliant entre eux.

Seul l'historique du Tournoi des Poids-Lourds a été rappellé de nombreuses fois au cours de la soirée, pour souligner aussi bien son prestige et son importance que sa signification - "depuis plusieurs années, le vainqueur du tournoi devient champion de l'APC dans l'année qui suit" - ainsi que les précédentes rivalités qui en ont découlées (Hellmer Lo'Guennec vs. Kenzo Richards, l'incapacité du vainqueur 2018, A-Buck, à dépasser le cap des quarts de finale, etc). Qu'en est-il des amitiés et des animosités ?

Une relation trop superficielle entre les personnages

https://i0.wp.com/www.catch-apc.com/wp-content/uploads/2018/01/IMG_0595.jpg?fit=402%2C600 Au cours du match non-tournoi précédant la finale, Sturry commentait qu'un des trois hommes sur le ring - Christianium - était habituellement le partenaire du finaliste (et futur gagnant) A-Buck dans l'équipe Afrikan Boma Yé. Pourquoi alors, lors de la célébration de sa grande victoire, A-Buck n'eut pas les féliciations de son partenaire sur le ring, voire même une petite conversation ? On pourrait même aller jusqu'à imaginer son coéquipier lui dire "Maintenant que tu as gagné, quand tu seras champion, je veux que tu me promettes que ta première défense sera contre moi" ! Simple certes, cette intrigue a en elle une complexité et une profondeur qui pourraient s'amplifier sur des mois et entraîner avec elles une narration nécessaire à la promotion de shows sur le moyen-terme. Car telle est l'utilité du soucis narratif : faire revenir les fans, envie de connaître la suite de chaque histoire et donc s'assurer que la salle sera pleine chaque mois !

Des "set-ups" sans "pay-offs"

Dans une moindre mesure, on retrouve le même manque avec la fin controversée du match opposant le champion et vainqueur 2017, Hugo Perez, et le "heel" belge Darkmondo. Ce dernier remportant le match par DQ (à la Eddie Guerrero, en plus) afin de protéger l'actuel champion d'une plus grosse défaite, l'animosité créée ainsi entre les deux était palpable. Pourtant, aucun suivi durant le reste de la soirée n'a permis de la maintenir en vie. On aurait pu imaginer Hugo revenir à la charge lors du match de demi-finale de Darkmondo ou le provoquer en duel pour un prochain show, suite à sa défaite - montrant qu'il était un champion combattif, que ses adversaires devraient craindre. Quant à Darkmondo, il aurait pu peut-être obtenu ce qu'il voulait en secret : un match de championnat garantie, non pas par une victoire du tournoi, mais une provocation réussie. (Un peu à la manière, dans un même registre du catch français, de l'Ouest Catch avec le "tease" de Tristan Archer vs. Tom La Ruffa en septembre 2017 pour une programmation en mars 2018.)

De la promesse sans enjeux

https://i0.wp.com/www.catch-apc.com/wp-content/uploads/2018/01/IMG_0613.jpg?fit=800%2C532Enfin, pour citer un dernier exemple, quel était l'enjeu du Non-Tournament Triple Threat Match, opposant Christianium à l'Aigle Blanc et Thiago Montero ? Car il ne suffit pas d'offrir du très bon catch, il faut sans cesse s'interroger sur la relation entre les personnages, le contexte général et la raison d'être de chaque match. D'autant plus pour des compagnies indépendantes comme celle-ci qui, même si elles arrivent à réaliser de bons shows et attirer son public comme elles le souhaitent, doivent capitaliser sur ce travail, réclamant plus d'effort créatif que d'argent et de moyens, pour réussir à évoluer et finalement à grandir. Pour évoquer un exemple comparable, c'est ce que tentent de faire - maladroitement - l'ICWA, chaque année à l'occasion de son week-end Revolution (le déroulement du premier show influe sur le second et même d'une année sur l'autre, des histoires, quoique bordéliques et bancales, persistent).

En l'occurrence, dans ce match, n'étaient présentés que le statut des trois catcheurs : un jeune agressif et prometteur en la personne de Thiago, un ancien champion et catcheur de l'année avec l'Aigle Blanc, et le dynamique coéquipie d'A-Buck. Cependant, unique match en dehors du cadre compétitif du tournoi et sans aucune rivalité apparente entre au moins deux des trois hommes présents sur le ring, pourquoi se battaient-ils ? Même une raison facile aurait suffit - "ces trois catcheurs s'affrontent pour déterminer qui sera le jeune catcheur à suivre en 2018", par exemple. Et elle aurait même tenue avec l'embrassade post-match : il n'y en a pas qu'un - Aigle Blanc - mais tous les trois, qui sont à suivre en 2018. Quant à un enjeu physique, une opportunité à un titre mineur (quel est le statut de celui porté par Kenzo Richards, d'ailleurs ?) aurait tout aussi bien convenu, et la dite séquence de "Pro-Wrestling Love" aurait peut-être lancé elle-même une intrigue : à la suite d'une victoire effective de l'Aigle Blanc à ce fameux titre, aussi bien Christianium que Thiago auraient pu venir le défier par la suite, se justifiant de ce respect mutuel entre eux (le premier étant sincère, et le second en profitant simplement pour accélérer sa propre ascension).

Interview d'Hellmer Lo'Guennec, alors champion de l'APC en 2015

Encore une fois, je le répète, si j'ai continué de suivre le déroulement des différents événements du catch français, je ne m'y étais pas impliqué autant depuis des années. Ainsi, tout ceci n'est que mon ressenti sur une simple expérience de spectateur occasionnel. D'autres que moi, qui assistent régulièrement aux shows de l'APC Catch, connaissent certainement beaucoup mieux que moi ses catcheurs et son "booking". Cependant, je ne pouvais me permettre ici de faire du favoritisme dans ma quête de privilégier l'effort narratif : personne n'est exempt, que ce soit la WWE, la NJPW ou le catch français, d'une simple envie de raconter des histoires sur un ring de catch.

 

La finale du Tournoi des Poids-Lourds 2018, opposant A-Buck à Bram (APC Catch)