Il était une fois au Japon : la International Wrestling Enterprise

  • Par h-edge
  • Le 01/11/2016
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La plupart des fans savent que c'est Rikidozan au travers de sa Japan Wrestling Association qui a popularisé le catch japonais. À tel point que certains pensent même que c'est Rikidozan qui est le premier a avoir importé le catch au Japon, à tort, car le catch était déjà présent au Japon bien avant son retour des États-Unis au début des années 1950 (par exemple avec les premières fédérations de "Joshi Puroresu" dans les années 1940, la fédération de Masahiko Kimura au début des années 1950, et on peut même remonter à Sorakichi Matsuda à la fin du XIXème siècle). Mais aussi que c'est lui qui a fait de la "Puroresu" ce qu'elle est aujourd'hui, or selon moi la fédération qui a véritablement permis à la "Puroresu" de sortir de l'influence américaine et de se forger une identité propre est la International Wrestling Enterprise, et ce avant même la création de la New Japan Pro Wrestling, qui s'éloignera encore plus du modèle occidental, en allant piocher ses inspirations dans les arts martiaux japonais.

Le premier exode du catch japonais

Dans les années 1960, la Japan Wrestling Association est au sommet de sa gloire. Notamment grâce à sa star numéro un, Rikidozan, le japonais (coréen en réalité) qui représente les valeurs des guerriers japonais d'antan comme l'honneur, la force et la détermination. Rikidozan avait prouvé qu'il était le meilleur combattant du Japon après avoir vaincu le célèbre karatéka et l'une des figures marquantes des premières années du catch au Japon, Masahiko Kimura (dans un match devenu célèbre car Rikidozan s'est mis soudainement à attaquer réellement Masahiko Kimura pour s'assurer la victoire, alors que le match aurait apparemment due finir en "draw"). Après cette première épreuve il avait combattu avec bravoure tout les perfides américains qui s'était mesurer à lui, de Freddie Blassie à The Destroyer en passant par la grande star américaine de cette époque, Lou Thesz. Grâce à ses victoires Rikidozan avait rendu la confiance des japonais en leur culture, perdu après leur défaite dans la Seconde Guerre Mondiale, et était naturellement devenu le héro du peuple.

Mais Rikidozan qui avait des liens avec la pègre japonaise, est assassiné par ces derniers en 1963, alors qu'il est encore au sommet de sa gloire. Après sa mort, la JWA perd non seulement sa top star mais aussi son président et fondateur. Le deuxième catcheur le plus populaire de la fédération, un certain Toyonobori, est choisi pour le remplacer au poste de président, mais aussi de visage de la fédération. Mais Toyonobori se retrouve rapidement piégé dans son nouveau rôle de président, car le jeune protégé et élève de Rikidozan, Giant Baba, devient de plus en plus populaire dans son rôle de gentil géant, à tel point qu'il devient plus populaire que lui et est propulsé à sa place au rang de visage de la fédération.

La goutte d'eau pour Toyonobori survient quand les dirigeants de la NWA (à laquelle était affilié la JWA) décide de réactiver le NWA International Heavyweight Title en 1965 pour le donner à Giant Baba. Ce titre avait été détenu par Rikidozan depuis sa victoire sur Lou Thesz à la fin des années 1950 et ce jusqu'à sa mort. Il avait été desactivé en son honneur. Toyonobori prend ça comme un manque de respect envers son mentor et ami, c'était comme si les officiels de la NWA voulaient remplacés Rikidozan par ce jeune Giant Baba. Toyonobori décide de quitter la JWA suivit par quelques autres membres du "roster" comme des encores très jeune Rusher Kimura (qui se faisait encore appeler Masao Kimura) et Masa Saito, mais surtout l'autre disciple de Rikidozan qui n'était alors pas très connu et qui revenait tout juste des États-Unis, Kanji 'Antonio' Inoki, ou encore un "booker" de la JWA, un certain Isao Yoshihara, parmi d'autres.

Toyonobori créer alors sa propre fédération, la Tokyo Pro Wrestling, avec Antonio Inoki en top star qui, comme Rikidozan en son temps bat les "gaijins" notamment Johnny Valentine, dans une rivalité qui permet à Inoki de se faire connaître sur le sol japonais. Mais la Tokyo Pro Wrestling rencontre de nombreux problèmes, le premier étant qu'il n'arrive pas à trouver un contrat télévisé comme celui dont jouissait la JWA. De plus la direction est catastrophique, la rumeur veut même que Toyonobori, Inoki et Hisashi Shinma (qui était alors un des promoteur, et qui plus tard travaillera pour la NJPW) détournaient de l'argent et organisaient des paris sur les matchs. L'image de la Tokyo Pro Wrestling est déjà au plus bas, quand lors d'un show de la jeune fédération, une émeute éclate, ayant fait attendre la foule a l'extérieur en plein mois de Novembre (donc forcement il fait froid), le show avait été annulé sans explication. La police est forcé d'intervenir pour mettre fin à cette émeute. Si on cumule la mauvaise image de la fédération à la suite de cette émeute, aux accusations de détournement, ainsi qu'au fait que la Tokyo Pro Wrestling n'arrivait pas à convaincre les chaînes de télévisions de diffusé les shows de la jeune fédération (qui était bien moins populaire que la JWA), on peut rapidement comprendre pourquoi les actionnaires ont rapidement arretés de fournir de l'argent à Toyonobori pour la gestion des shows. Finalement, moins d'un an après sa création la Tokyo Pro Wrestling ferme ses portes et le "roster" se sépare, certains vont suivre Antonio Inoki et retourner à la JWA, tandis que d'autres vont suivre Isao Yoshihara qui part créer sa propre fédération, la International Wrestling Enterprise.

L'innovation, le grand point fort de la IWE

Si vous suivez plusieurs fédérations de catch japonais, vous avez sûrement remarqué que la plupart des fédérations essayent de se démarqué des autres, que ce soit par le style de catch dominant dans la fédération (du catch "Hardcore" à la FMW, de la "Lucharesu" à la Dragon Gate, du "Sports Entertainment" absurde à la DDT, un emphase mis sur le physique des catcheuses à la STARDOM ou les "Street Fight" de la OZ Academy pour ne citer que ceux ci), mais cette envie d'être unique va même dans les couleurs utilisés pour les shows (juste pour le ring, celui de la NOAH est vert, celui de la AJPW était coupé en deux zones une rouge et une bleu, ou encore le ring rouge avec les cordes jaunes de la FMW), et également dans la manière dont sont racontés les rivalités (des rivalités où tout est dit dans le ring comme à la AJPW des années 1990. Des rivalités mélant interview avant et après les matchs, ainsi que quelques rares petit segment pour accentuer l'importance des matchs, qui reste le plus importants comme à la AJW de la même époque. Ou encore les rivalités bien plus proches de celle du catch américain comme à la FMW). Je ne crois pas trop m'avancer en disant que cette diversité d'une fédération à une autre on ne la retrouve que dans le catch japonais. Et la première fédération a avoir cherché de se différencier de cette manière est la IWE.

La JWA se reposait toujours sur un seul catcheur, d'abord Rikidozan, puis brièvement Toyonobori, et enfin Giant Baba (bien que Antonio Inoki était un numéro deux assez populaire) et enfin Kintaro Ohki. La IWE elle se fait un "roster" composé de nombreux japonais élevé au rang de star, la fédération est porté par la popularité de Rusher Kimura, mais des catcheurs comme Strong Kobayashi, Animal Hamaguchi, Mighty Inoue, Go Ryuma ou encore Toyonobori permettent rapidement à la IWE de s'imposer comme une référence dans le monde catch japonais de son époque.

Mais ce n'est pas tout, la IWE est la première fédération japonaise a faire venir des catcheurs européens, elle commence en faisant venir un catcheur français qui n'est autre que le futur Andre the Giant. La IWE est également la première fédération a utiliser le segment devenu célèbre où Andre the Giant est soulevé par son adversaire (en l'occurence Strong Kobayashi en 1972), et qui sera souvent reprise plus tard (comme par exemple contre Hulk Hogan à Wrestlemania III). La IWE est également à l'origine de la venu de catcheurs qui vont bouleverser l'histoire du catch japonais, les élèves du fameux pratiquant du "Lancashire wrestling" (un style de catch anglais très durs pour le corps), comme Billy Robinson, Dynamite Kid et Karl Gotch. Le style de catch de ces catcheurs européen va avoir un fort impact sur le catch japonais, qui va devenir plus dur, à l'image de ce style de catch. La IWE est également l'une des premières fédérations à donner de l'importance aux "Junior Heavyweight", notamment avec le "push" donné à Animal Hamaguchi ou Go Ryuma, et ce quelques années avant la NJPW qui se contentait alors d'envoyer leurs "Junior Heavyweight" travailler ailleurs dans le monde (à l'image d'un Gran Hamada au Mexique par exemple).

C'est également à la IWE que l'on peut voir les premiers "Cage Match" de l'histoire du Japon. Le "Cage Match" va devenir un type de match beaucoup utilisé par la IWE, la plupart impliquant sa top star, Rusher Kimura, qui obtient le surnom du 'Démon de la cage', de par ses nombreuses victoires dans ce type de match. Mais surtout, c'est à la IWE que fait son retour au Japon après un long passage aux États-Unis, un catcheur qui luttait jusque là sous le nom Mr. Ito, sous sa nouvelle "gimmick", celle de Umanosuke Ueda. Si Umanosuke Ueda est aussi important c'est parce qu'en plus d'être un pionnier dans le "brawling" et dans les "Street Fight" (du moins au Japon) il est surtout le premier catcheur japonais a être "heel" au Japon, et permet ainsi de normaliser les combats entre deux japonais (enfin on pouvait déjà voir des combats entre deux japonais à la AJW depuis le milieu des années 1970 avec les matchs entre Mariko Akagi, Jumbo Miyamoto et Mach Fumiake par exemple, et The Black Pair (une équipe composé de Yumi Ikeshita et Shinobu Aso) étaient "heel" avant le retour de Umanosuke Ueda, notamment avec leur rivalité contre les célèbres Beauty Pair, mais c'était uniquement dans la "Joshi Puroresu" et c'était encore très récemment). De plus la "gimmick" de Umanosuke Ueda est sans aucun doute la "gimmick" la plus reprises de l'histoire du catch japonais, des catcheurs comme Mr. Gannosuke, Tatsutoshi Goto, Hikaru Shida, Toru Yano, Takaaki Watanabe pour ne citer qu'eux ont repris la "gimmick" (avec quelques différences, par exemple Mr. Gannosuke en est la version "Hardcore" et Toru Yano la version comique) à leur compte, mais on peut également citer la légendaire Akira Hokuto ou encore la jeune star de la NJPW Kazuchika Okada qui s'en sont certainement inspiré.

C'est en mélant l'innovation à une qualité de match relativement bonne (on peut ainsi citer le match entre Billy Robinson et Verne Gagne de 1974 ou encore le match entre Rusher Kimura et Jumbo Tsuruta dans les "cross shows" entre la AJPW et la IWE, parmi certains des plus célèbres matchs de la IWE), que la IWE arrive à se faire une place dans le monde du catch japonais, aux côtés de la JWA. Contrairement à cette dernière, elle réussit à négocier le virage du début des années 1970 et à conserver une place non négligeable aux côtés de la NJPW et de la AJPW. La IWE avait alors pronfondément marqué le catch japonais de son époque, ne serait ce qu'en ayant introduit le catch anglais au Japon, mais aussi en amenant les matchs en cage (qui deviendront un grand classiques de la AJW et ce jusqu'à sa fermeture, et qui sera aussi repris par la FMW, qui en fera un dérivé très populaire), ou en ayant contribué à l'émergence des "Junior Heavyweights".

La fin de la IWE

Cependant toutes les idées d'innovations sortie de l'esprit de Isao Yoshihara ne sont pas bonnes, on peut ainsi citer sa tentative de faire de la IWE la première fédération mixte de l'histoire du catch japonais. Pour composer son "roster" féminin Isao Yoshihara avait réussit à faire venir des catcheuses occidentales comme Sandy Parker ou Fabulous Moolah, ainsi que des anciennes stars de la AJW qui avait due prendre leur retraite à cause du mandat de retraite de cette dernière, comme Chiyo Obata. Mais comme à la même époque la AJW était en train d'exploser grâce à la popularité de Mach Fumiake et surtout la montée en popularité de The Beauty Pair, avec le phénomène des "idols wrestlers", les jeunes filles (qui était la principale cible visé par le catch féminin japonais à cette époque) ne s'intéressaient pas vraiment à la division féminine de la IWE et préféraient bien souvent le style plus léger (mais aussi meilleur sur le ring) de la AJW. De plus nombreux étaient les catcheurs qui n'étaient pas content de devoir accueillir des femmes dans leurs vestiaires, la division ne tient que quelques mois avant d'être définitivement arrêté, et il faudra attendre plus de dix ans pour qu'une autre fédération japonaise aient une division féminine, à savoir la FMW de Atsushi Onita (qui elle rencontrera beaucoup plus de succès, notamment grâce à sa top star, Megumi Kudo).

En plus de cette perte d'argent que fut la division féminine de la IWE, à la même époque beaucoup de catcheurs quittent la fédérations on peut citer par exemple, la retraite de Strong Kobayashi ou encore la mort de Snake Amami. Ayant de moins en moins de catcheur, la IWE est obligé de se reposer de plus en plus sur des catcheurs de la NJPW et de la AJPW, au point que le premier show réunissant la NJPW et la AJPW est organisé en 1979, avec la présence des catcheurs de la IWE. Les ennuis continuent pour la IWE puisque son show télévisé est déprogrammé. La IWE ferme ses portes peu après. Après la fermeture de la fédération, son "roster" se sépare en deux, une partie rejoint la AJPW de Giant Baba, tandis que l'autre rejoint la NJPW d'Antonio Inoki. Dans cette dernière, la venue des catcheurs de la IWE est organisé à la manière d'une "storyline" d'invasion, qui inspirera plus tard des rivalités similaire dans la même fédération avec les catcheurs de la UWF dans les années 1980, mais aussi à la WCW avec la NWO, ou encore avec le Suzukigun à la NOAH plus récemment. Isao Yoshihara devient un important conseiller de la NJPW jusqu'à sa mort dans les années 1980. Parmi les anciens catcheurs de la IWE qui ont eu une grande carrière dans d'autres fédérations, après la fermeture de la IWE, on peut citer Go Ryuma (qui a donné une série de match aujourd'hui célèbre contre Tatsumi Fujinami par exemple), Rusher Kimura (à la AJPW), Samson Fuyuki (qui a notamment lutté dans l'un de mes matchs préférés, un "60 Minute Iron Man Match" contre Hayabusa à la FMW), Goro Tsurumi (qui va essayer de faire revivre la IWE en vain), Ashura Hara, ou encore Animal Hamaguchi qui est l'un des entraîneurs les plus prolifique du catch japonais (il a notamment entraîné Satoshi Kojima, Tetsuya Naito, Takaaki Watanabe, Ikuto Hidaka, Tajiri ou encore Natsuki*Taiyo parmi tant d'autres).

 

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